Luna Lovegood dans Harry Potter de J.K.Rowling
Comment parler d’hypersensibilité sans parler de ce personnage iconique de la saga Harry Potter. Luna Lovegood apparait pour la première fois dans le livre cinq de la saga, elle a un an de moins que Harry et a plusieurs particularités dont le fait d’être construite pour incarner l’archétype de la fille chelou hyper gentille et sensible dont tout le monde se moque mais qui finit par se faire des amis qui la protègent.
On va laisser de côté, pour l’instant, la question des nombreux clichés utilisés par l’auteur pour décrire ce personnage pour s’intéresser au traitement de l’hypersensibilité.
Il est peu probable que J.K. Rowling soit une spécialiste des profils atypiques et que Luna se retrouve à posséder plusieurs aptitudes que nous pouvons relier à l’hypersensibilité car elle souhaitait volontairement en faire un personnage hypersensible. Je pense plutôt qu’elle a cherché à reproduire cet archétype d’élève en se basant sur ses observations ce qui l’a amené à concentrer un grand nombre de caractéristiques atypiques. Nous pourrions donc analyser le personnage de Luna sous plusieurs angles. Du côté hypersensible, nous retrouvons les caractéristiques suivantes :
– Une empathie extrêmement développée qui lui permet de sentir l’état d’esprit de l’autre et de comprendre leurs motivations
– Une bienveillance quasi-constante qui découle de l’empathie et qui l’amène à facilement excuser des comportements jugés négatifs et se manifester quand quelqu’un est en souffrance
– Une maturité émotionnelle qui surprend les autres personnages, elle est notamment très sereine avec sa position d’élève bizarre
– Une très forte imagination
Ce qui m’intéresse tout particulièrement dans le traitement que fait J.K. Rowling de ces particularité se sépare en deux axes :
1. L’auteur choisit, pour souligner l’aspect atypique du personnage, de l’amener à croire en un monde fantastique et à un grand nombre de créatures vues comme imaginaires par les autres alors que la saga en elle-même est un monde fantastique avec un grand nombre de créatures vues comme imaginaire par nous autres, moldus. Pour moi, par ce double décalage presque burlesque, elle ne crée pas seulement un personnage étrange mais aussi un réel doute sur la prétendue imagination de Luna. Est-elle juste dans le faux ou possède-t-elle une sensibilité que les autres n’ont pas qui lui permet de voir et comprendre des choses que les autres ne comprennent pas ? Vu que les dragons existent, pourquoi les joncheruines n’existeraient-ils pas ? Comme lecteur, j’ai toujours pensé que Luna exagérait d’un côté des éléments qu’elle perçoit réellement mieux que les autres de l’autre.
2. Luna a deux types de répliques. Des répliques farfelues et décalées décrivant des mondes étranges et des créatures imaginaires et des répliques très simples, très ancrées dans le réel situées dans des moments de flottement ou de doute. Elle est souvent utilisée comme moyen pour donner un coup d’accélérateur au scénario en disant tout haut ce que d’autres pensent tout bas ou en faisant preuve d’une logique implacable. Ces lignes de dialogue sont, pour moi, au centre de l’hypersensibilité de Luna, c’est ses capacités de compréhension et sa maturité qui l’amènent à faire évoluer certains personnages en une phrase ou à penser à un chemin auquel les autres n’auraient pas pensé et le plus souvent de manière décalée dans le rythme de la conversation, à haute voix pendant un silence ou en apportant du calme dans un dialogue emporté.
Ainsi, je pense que Luna est, et bien au delà de la simple vision ou conception de créatures imaginaires, une hypersensible assumée qui apporte beaucoup de diversité dans cet univers scolaire. Elle présente, bien sûr, les défauts de tout archétype. Elle est stéréotypée et donne une image étrange de certaines qualités mais elle est tout de même une des principales héroïnes de la saga et, en tant qu’adolescent, m’a beaucoup aidé à m’identifier à un personnage fictif.
Gaëtan van Beek