Chronique d’un surdoué en dépression et d’une pandémie : chapitre 2, février
Chronique d’un surdoué en dépression et d’une pandémie : chapitre 2, février

Chronique d’un surdoué en dépression et d’une pandémie : chapitre 2, février

S’arrêter. Arrêter de travailler, arrêter de se prendre la tête, arrêter toute obligation futile.

C’est a chose la plus difficile que j’ai eu à faire de toute ma vie. Pas seulement pour l’acte de courage que représente le premier jour, celui où vous vous retrouvez face à l’horreur de votre incapacité à sortir de votre lit pour prendre le train, dans l’attente d’une visite chez votre médecin qui ne viendra que le lendemain ou le surlendemain, cette journée où vos collègues vous appellent, inquiets de votre état oui mais aussi inquiets de la masse de travail que représenterait votre absence prolongée. Je me souvient des questions auxquelles je ne savais pas quoi répondre, incapable de m’avouer à moi-même que la situation était catastrophique, en train de me convaincre qu’une semaine d’arrêt suffirait largement à me soulager et que j’avais trop de projets en cours pour m’arrêter, qu’on comptait sur moi et que moi seul pouvait prendre en charge mon boulot.
Non, pas seulement pour ce jour mais pour les suivants, car je vais ici défaire un mythe, la mise en incapacité de travail ne permet absolument pas une amélioration immédiate de votre état, au contraire, dans ce genre de cas la mise en arrêt constitue le début du pire moment de toute ma vie. Deux semaines dans la plus grande des angoisse à l’idée de retourner travailler suivi d’un mois de terreur diurne et nocturne, de pleurs et de détresse émotionnelle, d’incapacité de sortir de chez sois pour, ne serais-ce que, faire les courses.
Peur de croiser du monde et de se faire agresser, peur de croiser des usagers du boulot alors que je n’habitait même pas leur quartier, peur de croiser des collègues, une peur constante.
Puis, l’arrivée des crises d’angoisses, avez-vous déjà vécu une crise d’angoisse ? Si vous ne le savez pas c’est probablement que non. Moi elle me prennent tout le corps, m’immobilisent totalement que ce soit chez moi ou dans la rue, elle survenaient à n’importe quel moment et pour n’importe quelle raison, un coup de tonnerre, une mauvaise blague, une lettre… Vous sentez la tension qui monte, les frissons envahissent tout votre corps, votre esprit se focalise sur l’angoisse et sur les réactions physiques. Les pensées tournent et ne veulent plus rien dire, vous perdez petit à petit toutes vos facultés mentales puis physique, impossible de réfléchir ni de bouger, impossible de se calmer. Votre cœur s’emballe, votre respiration aussi, vous voyez vos proches s’inquiéter, vous poser des questions mais vous ne pouvez pas répondre. Une crise d’angoisse c’est une des pire chose à expérimenter et quand vous vivez avec la peur d’en subir une à tout moment tout devient insupportable. Vous vous coupez de tout, vous ne voulez plus rien ressentir, sortir de toute conversation, vous assurer un confort émotionnel maximal et ne plus être là, qu’on vous oublie sur le sol froid de votre cuisine, ne plus exister ne serait-ce qu’un instant.

Ce serait mentir de dire que les choses se passent mieux après l’arrêt, mais c’est à ce moment que vous vous rendez compte de la profondeur de votre douleur. C’est aussi à ce moment que vous vous rendez compte que vous teniez bon pour le travail, que vous vous débattiez pour garder la tête hors de l’eau pour pouvoir assurer vos fonctions tout en négligeant votre santé et celle de vos proches. Quand vous êtes face à vous même, toute la journée seul à examiner vos pensées, à vous ennuyer et à dormir, vous prenez conscience de la profondeur de votre mal être et dans mon cas de la dernière fois où je me suis senti heureux plus de deux jours à la suite.
Je sais que beaucoup ont peur de cette période, je sais aussi que les psychologues peuvent conseiller de ne pas se mettre en arrêt car ils ont peur des réactions de leurs patients si on leur enlève leur boulot. Je ne comprend pas cela, mais il ne s’agit que de mon expérience et de mes valeurs et je n’ai aucune autre connaissance qui me permette d’avancer ce qui va suivre : si c’est le travail qui me maintient à flot, si le seul moyen de garder la tête hors de l’eau c’est de travailler, que vaut ma vie ? Est-ce que je vie pour mon travail ? Pour ma famille ? Pour moi-même ?
J’ai personnellement eu maintes occasion d’y réfléchir depuis au travers de plusieurs thérapies et je pense avoir la réponse me concernant.

Toujours est-il que ces deux semaines de janvier et ce mois de février sont restés gravés comme la période la plus sombre de ma vie. J’y ai fait des choses, je l’ai vécu et ai essayé de sortir de cette torpeur mais la dépression est forte et vous ramène vers le bas quand elle le souhaite. C’est en le vivant qu’on se rend compte que nous n’avons pas à faire avec une faiblesse d’esprit, la dépression est une maladie et elle frappe fort, elle a sa propre logique et son propre fonctionnement indépendamment de toute volonté de l’individu. Vous vous retrouver dans un état où vous ne pouvez rien faire si ce n’est attendre et survivre et ça c’est quelque chose de terrible à vivre.

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