Contrôler l’incontrolable
Contrôler l’incontrolable

Contrôler l’incontrolable

La société nous apprend qu’un homme n’a pas le droit de pleurer, que la femme est la seule à détenir cette opportunité mais qu’elle ne doit pas en faire trop pour ne pas se faire marcher dessus. Que trop ressentir, trop exprimer c’est être dans l’excès. Que vivre pleinement les choses revient à simuler. Pourquoi ? Est-ce une histoire de majorité ?

L’hypersensibilité et l’hyperesthésie, l’hyper-expression des sens et des émotions. Pourquoi “hyper” ? Car la moyenne ne le ressent pas autant ? Est-ce un don ou un cadeau empoisonné ? Tout ce qui est définit comme “trop” est toujours négatif.

Cette hypersensibilité est difficile à faire comprendre et à comprendre pour quelqu’un qui n’est pas concerné. Trop ressentir, que ce soit en bien ou en mal, quand mourir serait plus agréable que de vivre dans la souffrance de voir son ami triste d’avoir perdu un membre de sa famille. Quand aimer une personne nous donne une réelle raison d’exister, devient la seule raison d’exister. Difficile pour une personne qui ne ressent pas ça de nous croire pleinement. Il faut le comprendre, il ne ressent pas cette sensation. Mais lui, est-il capable de croire que ce que nous disons ressentir est ce que l’on ressent sans faire d’hyperbole.

Cette susceptibilité. Cette importance que nous donnons aux mots quand d’autres vont jouer avec sans penser ne serait-ce qu’une milliseconde au vrai sens et à son influence sur une personne hypersensible. Pourquoi m’insulter serait drôle ? Tu rigoles en me lançant un pic sans penser que ce pic me transperce réellement… Mais ce n’est pas de ta faute, tu ne me comprends pas et tu ne peux pas me comprendre. Cette faculté à passer du rire aux larmes, et d’en revenir aux rires, car tes mots me caressent ou me blessent avant même que tu finisses de les prononcer.

Une empathie, dans le vrai sens du terme, peut-être même plus vrai et plus intense : être réellement à la place de son prochain et souffrir parfois plus que lui ne souffre de sa situation. Savoir donner de l’écoute et donner de l’importance malgré que ce point n’a plus l’air d’avoir sa place dans la société.

Un don, permettant de lire dans les pensées (grossièrement dit), de savoir dire “toi tu ne vas pas bien” et aller mal immédiatement dès lors que cette sensation est présente car même si l’autre le nie, nous le savons, non, nous le sentons.

Ce besoin irrépressible de tout faire pour celui ou celle que tu aimes avant même de penser à ta survie. En réalité, tu vis à travers le bonheur de cette personne. Être aussi attentionné c’est oublier sa personne pour se donner à l’autre, ça peut être dangereux avec les pervers narcissiques…

Ce besoin insatiable d’être rassuré, car ce monde n’a rien de rassurant. Ce monde alimente les doutes.

Une personne hypersensible n’est pas forcément haut potentiel intellectuel mais un zèbre l’est forcément. Pensez donc à cette personne, qui souffre et va réfléchir sur sa souffrance, va en venir au fait qu’il en est la cause, car ce qu’il a fait c’est à cause de sa différence.

Culpabiliser. S’excuser maintes et maintes fois dans l’espoir qu’un jour les touches « CTRL + Z » s’utiliseront dans la vraie vie.

S’en vouloir. Car ce cerveau trop réceptif perturbe, ne représente pas la majorité et donc n’a pas sa place.

Cette souffrance qui en vient à une conséquence trop importante pour ne pas être mentionnée : la perte de son estime de soi, de sa confiance en soi. Qui va donc nous amener à perdre notre identité pour coller à celle des autres jusqu’au jour où la nôtre revienne à la surface car c’est affreux de vivre ce que je ne suis pas.

Il existe également chez cette personne HPI une hyperesthésie qui fait que beaucoup vont souffrir d’odeurs, de bruits ou encore d’un toucher bien trop sensible. Perçu encore comme “bizarre”, maintenant cette différence. Mais c’est pourtant si agréable de sentir l’odeur de l’extérieur au petit matin, l’odeur de la nuit, les bruits de cette nature si magnifique quand on lui permet de se développer.

Puis ce “repli sur soi physique”, le fait de ne pas apprécier le contact physique avec autrui, ou d’y être réfractaire par sentiment de gêne. Mais dès lors qu’il y a de réels sentiments avec un autre être humain tout est différent. L’odeur, la voix de l’amour de sa vie, qui apaise, qui retire tout ce qui nous blesse juste par la singularité de son odeur, détectable parmi un nombre indéfini de personnes, et par la douceur de sa voix. Ce toucher peau contre peau si apaisant. Euphorisant.

Ce regard sur le monde qui est unique : cette faculté à voir d’un coup d’œil ce que la plupart ne remarque pas, ou pas avant une certaine période. De prêter attention à des détails qui paraissent insignifiants pour d’autres. A sentir une présence sans toucher, sans entendre, sans voir.

L’hypersensibilité c’est être hyper-sensé, hyper-observant, hyper-attentionné.


Pourquoi nous demande-t-on de la diminuer ? Pourquoi trop ressentir est mal ? Oui, c’est une question de majorité. Certains vont se persuader de ne plus rien ressentir, car ça fait mal, trop mal. Ou simplement car “un homme ne doit pas pleurer”, “une femme doit se montrer forte pour ne pas se faire écraser”. Pleurer c’est être faible ? C’est ce que vous voulez nous apprendre ? Pleurer c’est le meilleur moyen de se contenir. De ne pas “vriller”, de repartir de zéro, d’aller mieux. Pourquoi faire une différence entre les sexes encore aujourd’hui ? Le monde n’a-t-il pas suffisamment changé ? Ne sois pas fier de faire le dur car tu n’as aucun mérite à blesser autrui. Soit fier d’assumer ce que tu ressens à l’intensité à laquelle cela te traverse.

Parmi ceux qui sont venus au point où ils n’ont même plus conscience de ressentir, arrivons-nous vraiment à diminuer ce processus ? Modifier l’intensité de nos sens et de nos ressentis par le simple concept de la volonté. Impossible. Tu fonctionnes mais tu le nies. Tu n’écoutes plus et tu te persuades. En réalité tu ne fais que souffrir encore plus. C’est un mécanisme de défense qui te donne la sensation de te protéger… En réalité, il t’empêche d’être toi-même. Accepte tes ressentis, ils sont précieux. Tu déchiffres l’indéchiffrable, tu entends l’inaudible, tu comprends ce qui n’est pas dit. Pleurer c’est relâcher, c’est repartir avec une cocotte-minute vide quand celle-ci allait exploser. Soit le sauveur de ceux qui ne peuvent se sauver. L’expression de tes sentiments existe pour compléter celle qui ne sait comment s’exprimer. Tes sens existent pour connaître et découvrir l’environnement. Ce monde peut être si beau, il n’apparaît que de cette façon à travers ton regard.

Tu as le pouvoir de savoir tout ce qui est implicite, de t’adapter, de rendre heureux celui qui sera apte à recevoir ton expressivité.

Stéphanie Vetro

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